Peindre la mer en la photographiant semble être un acte totalement irréaliste et c’est pourtant ce chemin qu’emprunte Margherita Mariano pour embrasser cette substance aqueuse, difficile à contenir, afin d’en capter l’infime particule du temps qui s’y fige.
Depuis longtemps, cette matière, ce modèle vivant insaisissable, inspire et provoque de la fascination chez les artistes et Margherita Mariano n’est pas la seule à avoir ressenti ce coup de foudre vers des sentiments maritimes et d’autres lointains qui furent si cher aux artistes romantiques.
Il est incontestable que divers paysages et phénomènes maritimes dans certains « petits pays » côtiers provoquent des émotions et dévoilent cette passion emportée par les effets dus aux changements constants du temps, des formes, des couleurs et de la lumière. Du Nord au Sud, face à ce modèle indomptable, des artistes n’ont pas hésité à planter dans le sable leurs chevalets, s’assoir sur une dune ou sur un pliant et sortir leurs carnets de croquis ou de notes. Margherita Mariano vit aussi avec bonheur cet engouement (…).
(…)En contemplant ainsi les paysages, en captant les matières, les nuances et les perspectives qui les composent, Margherita Mariano a su faire de l’observation son alliée et de l’appareil photo son carnet d’impressions. L’artiste révèle une mer libre qui ne peut être domptée, sauf lorsqu’elle devient matière artistique.
(…)Margherita Mariano n’est pas insensible aux splendeurs poétiques et flamboyantes que nous propose un coucher de soleil aux gammes de couleurs chaudes et lui offre cette ouverture sans limite à davantage de picturalité. Le paysage devenu « couleurs de feu » évoque bien sûr la peinture de Claude Gellée dit Le Lorrain et son Port de mer au soleil couchant (1639), mais aussi les nombreuses huiles et aquarelles réhaussées de gouache, réalisées par William Turner qui, désireux de rendre les phénomènes naturels et les effets de lumière, donne à son art une dimension de plus en plus abstraite.
Pour Margherita Mariano, c’est cette fois la photo qui prend feu dans son triptyque Réflexion (….).
(…)Par la nécessité de picturalité photographique Margherita Mariano nous embarque à voir des œuvres aux rendus incarnés et sophistiqués. Elle réinterprète la mer et ses territoires, soulèvent de nouveaux détails qui lui permettent de peindre en les photographiant ces nouveaux espaces, où les vertiges s’équilibrent et les abîmes se maîtrisent.

Extraits du texte « Sur les bords de la photographie », 2021-2022
Yves SABOURIN,
Commissaire et Directeur artistique
Inspecteur de la création artistique honoraire